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Nécessaires objectifs du millénaire

Libération, France
http://www.liberation.fr/tribune/01012291098-necessaires-objectifs-du-millenaire
La clé du success : Revitaliser la volonté politique…

 On me demande souvent ce que je considère comme les temps forts de ma carrière à l’ONU. S’il y a eu beaucoup de moments merveilleux, accueillir la plus grande assemblée de dirigeants de la planète jamais réunie à New York pour signer la Déclaration du Millénaire figure assurément parmi les meilleurs. L’esprit volontaire qui régnait dans la salle était contagieux et, pour une fois, le gouffre entre riches et pauvres, les différences entre pays souvent en profond désaccord, semblaient s’effacer au profit d’une véritable coopération des nations et des individus.

Sans aucun doute, depuis dix ans, les 8 Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) ont bien servi. Non seulement ont-ils apporté une orientation nécessaire aux efforts de développement et à la coopération internationale, mais ils ont aussi produit des résultats. Nous avons vu les taux d’inscription à l’école pratiquement doubler en Ethiopie et en Tanzanie, et des pays comme le Malawi et l’Algérie passer du statut d’importateurs de produits alimentaires à celui d’exportateurs. Nous avons vu le taux d’infection au VIH diminuer considérablement en Afrique subsaharienne et le nombre de cas de paludisme baisser de moitié dans des pays comme le Rwanda et la Zambie. Partout, nous avons vu que les efforts pour atteindre les OMD amélioraient la vie de millions de personnes.

Or, les temps ont considérablement changé depuis la Déclaration du millénaire. A cette époque régnait une confiance palpable en notre capacité à pouvoir résoudre collectivement les problèmes. On admettait que dans un monde d’abondance et de progrès technique stupéfiant, la pauvreté, la famine, et la relative indigence qui accablaient tant de nos semblables étaient inacceptables.

Cette confiance s’est aujourd’hui flétrie, et le consensus sur le développement court le risque de s’écrouler sous le poids des crises successives et d’un bouleversement de l’ordre du monde. Pourtant, notre interdépendance devient de plus en plus évidente. Le décevant sommet de Copenhague sur le changement climatique fut un exemple malheureux de cette tendance paradoxale. Que les problèmes de la planète ne puissent se résoudre dans un seul pays ou sur un seul continent, semble être de mieux en mieux compris. Cependant, cette prise de conscience ne se traduit pas en actions décisives ni ne mène vers la réforme de la gouvernance mondiale tant attendue. L’absence de volonté politique et de consensus international, ainsi qu’un éventail croissant de pressions financières et politiques nationales, constituent des obstacles redoutables.

Je crains que ces obstacles transforment le sommet sur les OMD en un exercice futile, ponctué de grands discours et de promesses soigneusement formulées, mais suivi de peu d’actions significatives. Plusieurs donateurs importants ont déjà revu leurs engagements ou ont relâché leurs efforts, invoquant une gamme de raisons allant des doutes sur l’efficacité de l’aide au besoin d’un accord global providentiel. Les dernières prévisions indiquent qu’il manquera environ 21 milliards de dollars aux objectifs consentis. Une approche globale et exigeante sur les résultats est nécessaire, mais ne doit pas servir d’excuse pour réduire l’assistance financière. Les OMD n’ont pas besoin de girouettes, mais d’investisseurs sérieux, qui sont là pour le long terme.

Revitaliser la volonté politique d’atteindre les OMD et accroître les efforts constituent la clé du succès. Instigatrice et gardienne des OMD, l’ONU a un rôle important à jouer. Le Groupe consultatif de haut niveau créé par le Secrétaire général, Ban Ki Moon, en juillet est un pas dans la bonne direction. La responsabilité première repose toutefois sur les dirigeants nationaux. Leur défi : reformuler une argumentation convaincante en faveur de la solidarité mondiale et d’une croissance équitable. Une argumentation qui intègre et dépasse l’aide au développement ; qui aborde les inégalités croissantes entre hommes et femmes, entre villes et campagnes, entre riches et pauvres.

Le message doit être clair. Réaliser les OMD n’est pas une option, mais bien une nécessité. Celle d’investir pour un monde plus sûr, plus humain et plus prospère.

La concrétisation des OMD ne sera que la première étape. Même si nous y parvenons, près d’un milliard de personnes continueront à vivre sous le seuil de pauvreté, des centaines de millions ne mangeront pas à leur faim, et des millions continueront à mourir de maladies guérissables. Alors qu’on observe un scepticisme grandissant sur l’utilité de nommer des objectifs spécifiques comme base de stratégies de développement, je demeure convaincu de l’utilité de cette démarche. Qui peut s’opposer à des objectifs aussi simples et puissants que l’accès à la nourriture et à l’eau potable, à l’emploi, aux services de santé et à l’éducation pour tout le monde ?